l'art de la colère  

 

 

COLÈRE

 

"Ne fait pas de psychologie dans ta colère, tu verrais trop juste."Jean Rostand

 

 

La colère   © Copyright 1996-2001 Bruno Fortin, psychologue. Tous droits réservés.

 

Le déclencheur de la colère est la perception d’une situation comme dévalorisante ou menaçante pour soi ou les siens, à l’encontre de nos idées, de nos croyances et de nos valeurs. Le but de la colère est de se défendre contre cette menace.

 

La colère peut avoir un effet positif. Elle peut par exemple amener l’autre à se soumettre, ce qui à court terme peut être un gain. Elle peut l’informer de l’importance des enjeux pour nous. Elle peut d’ailleurs nous aider nous-mêmes à en prendre conscience.

 

Cela peut être agréable d’être en colère, surtout dans le contexte où c’est sans danger et où il n’y a pas de conséquences à long terme. Ce n’est pas toujours le cas. La colère peut également motiver une personne à développer des habiletés dont elle a besoin pour prouver qu’elle a raison et que l’autre a tort. Pensons à celui qui poursuit de longues études pour prouver sa valeur à ses parents.

 

La colère, comme les autres émotions, peut être déguisée (humour, bouder) et déplacée (s’en prendre à un plus faible). Pensons aux bouc-émissaire...

 

Les personnes insécures quant à leur identité et à leur valeur personnelle sont plus vulnérables à la colère. Elles réagiront fortement à des situations ambiguës qui laisseraient d’autres indifférentes. Certaines personnes sont plus exposées aux injustices. D’autres ont développé des croyances qui les amènent à évaluer les gens comme agressants et insultants, même lorsque ces personnes n’ont rien fait qui justifie ces perceptions. C’est le domaine des préjugés et des stéréotypes.

 

Que faire face à la colère? Il y a une tendance naturelle à réagir par la vengeance, ce qui ne favorise pas la résolution de problème. On peut être porté à croire que la démolition ou la neutralisation de celui que l’on considère digne de blâme maintiendra notre intégrité et soulagera nos blessures. La colère exprimée sous forme de violence risque toutefois d’éloigner les gens, de les amener à se venger, à saboter nos projets et à se liguer contre nous. Le contrôle de la colère est un enjeu social important, indispensable à une vie sociale stable et paisible.

 

Tavris (1989) rapporte avec raison que le fait de contenir sa colère n’amène pas de problèmes corporels ou psychologiques. Elle se dissipe progressivement sans faire de dommage. C’est lorsque la colère est provoquée de façon récurrente ou continue qu’il y a une menace pour la santé et pour la qualité des relations.

 

La principale stratégies pour la gestion de la colère consiste à réévaluer la situation induisant la colère, de faire preuve d’empathie envers le problème de la personne qui nous offense et de ne pas voir l’action de la personne comme une insulte personnelle. Pour enlever la provocation, il faut changer le sens qu’on lui donne et réévaluer son importance relative.

 

La personne colérique aura également avantage à développer des façons non-violentes d’exprimer sa colère. Cela favorisera une réaction plus positive de l’entourage. En anticipant les effets négatifs de l’expression violente et en se rappelant les buts qui lui tiennent à coeur, il sera plus facile de se priver d’un soulagement explosif éphémère pour favoriser la satisfaction de ses besoins à plus long terme.

COLÈRE

 

  • Arthur SCHOPENHAUER / Aphorismes sur la sagesse dans la vie (1851) / Collection Quadrige / PUF 1943

    « Montrer de la colère ou de la haine dans ses paroles ou dans ses traits est inutile, est dangereux, imprudent, ridicule, vulgaire. On ne doit donc témoigner de colère ou de haine que par des actes. La seconde manière réussira d'autant plus sûrement qu'on se sera mieux gardé de la première. Les animaux à sang froid sont les seuls venimeux. »
    <p.144>


  • ALAIN / Mars ou la guerre jugée / Les Passions et la Sagesse / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1960

    « La colère est la forme commune des passions dans leur paroxysme ; de toutes, même de la peur. Et c'est là qu'on peut voir comment l'homme arrive vite à oublier son intérêt prudemment calculé, et même sa propre conservation. Il est ordinaire qu'une colère, même née de petites causes, nous porte à des actes extravagants, comme de frapper, de briser, et même d'injurier des choses. Et j'ose dire que le plus profond de la colère est la colère d'être en colère, et de savoir qu'on s'y jettera, et de la sentir monter en soi comme une tempête physique. Le mot irritation en son double sens, explique assez cela, si l'on y pense avec suite. L'enfant crie de plus en plus fort principalement parce qu'il s'irrite de crier, comme d'autres s'irritent de tousser. »
    <p.584>


  • Sacha GUITRY / Elles et Toi / Cinquante ans d'occupations / Omnibus Presses de la Cité 1993

    « Quand nous en avons par-dessus la tête, nous allons jusqu'à leur reprocher cette facilité avec laquelle nous les avons eues - dont nous avions été pourtant si fier ! »
    <p.115>


  • André GIDE / Journal 1889-1939 / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1951

    « Courses de taureaux. Qu'on tue quelqu'un parce qu'il est en colère, c'est bien ; mais qu'on mette en colère quelqu'un pour le tuer, cela est absolument criminel. »
    <p.33>


  • Emil CIORAN / Carnets 1957-1972 / nrf Gallimard 1997

    « Après une bonne querelle, on se sent plus léger et plus généreux qu'avant. »
    <1961 p.68>